Fleur Blanche

Ses paupières s’ouvrirent doucement, dévoilant des yeux bleus aux éclats dorés vifs qui venaient illuminer son regard. Les cheveux défaits formaient plusieurs ondulations autour de son visage, donnant l’impression de voir une mer blonde délicatement posée sur les draps.  Elle pencha la tête et tendit les mains vers l’avant pour s’étirer, tout en lâchant un bâillement.
L’aube se levait, éclaircissant timidement le ciel.
La jeune femme sortit alors de son lit, le drap sur ses épaules, puis elle avança vers la fenêtre. Elle regardait ce ciel encore sombre, fronçant légèrement les sourcils et s’accrochant aux draps sur ses bras. Une vive douleur s’empara de sa tête, la faisant se courber vers l’avant. Pensant calmer ce mal avec la chaleur de ses mains, elle se massa les tempes. Mais prise d’un vertige, elle s’écroula au sol.
La pauvre jeune femme rampa jusqu’au pied de son lit et, avec beaucoup de difficulté, grimpa dessus. S’allongeant douloureusement dans ses draps humides de sueur, elle regarda le plafond.

Encore une vision douloureuse.

Dans cette génération qui naîtra très bientôt, énormément de destins s’entremêleront et se briseront. C’était ce que cette femme avait vu : Dame Dameoh, la Norne du Futur. Elle laissa des larmes s’échapper de ses yeux. Elle savait déjà tout, mais elle ne pouvait rien y dire ni rien y faire. Tel était son fardeau, car elle était l’une des trois mortelles à pouvoir influencer le monde, mais à devoir se taire. Ses sœurs avaient des pouvoirs similaires ; l’une pouvait lire dans le passé et l’autre dans le présent. Ensemble, elles pouvaient faire bien plus. Mais leurs pouvoirs étaient trop grands et trop dangereux. Ce fût d’un accord commun qu’elles s’isolèrent chacune du monde. Mais même en étant à l’écart de tout, elles y restaient attachées.
Dame Dameoh, ayant repris son calme, regarda ses mains encore crispées et tremblantes. Après ce qu’elle avait pu voir, elle avait envie d’hurler et d’intervenir. Mais elle ne le pouvait pas.

Car ce destin qui bourgeonnera, fleurira, puis fanera, sera la clé de la liberté.